Zones de chalandises en analyse
Claude Lorent, La Libre Belgique, 18/02/2010
En photographies, dessins, peintures et publications, le plasticien liégeois Michel Couturier décortique les espaces extérieurs et abords des grandes surfaces commerciales.
La démarche générale de Michel Couturier est conceptuelle dans la mesure où elle porte sur un constat et une analyse de lieux représentatifs de la société dans laquelle nous évoluons et que nous forgeons afin de répondre à nos besoins vitaux. En soi, les aires de supermarchés ne sont intéressantes en rien si ce n’est qu’elles constituent un endroit de rassemblement de la population pendant les heures d’ouverture et un immense vide, une absence, en dehors de celles-ci. En ce sens, ce sont des espaces de contradiction qui nourrissent le projet d’abord photographique de l’artiste : faire voir ces lieux principalement en temps de fermeture de leur activité mercantile qui génère d’incessants flots humains.
Les photos de ces zones de chalandise, ainsi que sont dénommés ces lieux, de taille très moyennes, sont en noir et blanc, toujours très étudiées en leur composition, avec des ciels qui généralement descendent très bas. Privés de leur fonction essentielle, l’accueil des flots de consommateurs, ces espaces se révèlent inintéressants et d’un lot commun où qu’ils se situent dans le monde. Les mêmes rangements, les mêmes publicités, une organisation identique et des architectures banales. Ce « sont biens des monuments, mais inversés, qui activent à rebours la mémoire : des lieux d’indifférence, de distraction, d’oubli quant aux grandes questions. Ce sont des aires dévolues à la satisfaction des besoins et à l’alimentation de phantasmes de bazar » commente Raymond Balau dans l’ouvrage traitant du sujet.
C’est à partir de ce terreau quelconque, ordinaire, que le plasticien qui aime aussi parfois allumer des feux en des espaces urbains et les photographier comme une intervention éphémère travaille. Tout d’abord en montrant presque objectivement, s’il n’était le cadrage. Ensuite en isolant un détail. Puis en exécutant des dessins et des peintures monochromes, noires le plus fréquemment.
Une entreprise analytique qui se retrouve en petits formats ainsi qu’en grands papiers où les détails sont stylisés. Le tout, présenté telle une installation prolongée dans des publication, devient une sorte de répertoire de formes et d’objets, de constructions, qui constituent finalement une environnement quasi ignoré malgré une fréquentation humaine des plus importante qui soient. La démarche de l’artiste joue alors le rôle d’un révélateur !
Claude LORENT