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Béton armé

Du béton armé réduit à l’état de ruine.  Quelques débris se dressent encore au milieu des gravats.  On peut y percevoir des formes vivantes, végétales, animales voire humaines ou des spectres qui viennent hanter l’ici et le maintenant.

Des cités dévastées puis reconstruites.  Comme Messine à la pointe Nord de la Sicile, sous laquelle se trouverait la main droite  du titan Typhée.  Lors d’un terrible combat, Zeus l’a vaincu en soulevant l’île de Sicile puis en l’écrasant sous elle.  L’autre main du titan se trouverait sous la pointe Sud et ses pieds sous l’extrémité Ouest.  Sa bouche, ensevelie sous l’Etna, vocifère parfois et crache de la lave et, quand il bouge, la terre tremble.  Aujourd’hui, à la surface de la terre et de l’eau, des réfugiés au péril et au prix de leur vie, tentent d’accoster.  Dans ce qu’on appelle le triangle de la mort, entre Augusta et Syracuse, des habitants meurent empoisonnés par les émanations des usines chimiques.  Dans les ports, les clôtures et les barrières régissent le transit des marchandises et des hommes.  Des gardes surveillent.

Sur le bitume des ports, le temps passe, revient, insiste.  Tout à-coup quelque chose surgit : l’hallucination d’Alexandre/Jean-Pierre Léaud dans le film de Jean Eustache : “…  Et j’ai vu, ce qui n’était pas une idée, pas un mirage, …  J’ai vu, comme si on pouvait voir le même endroit il y a 1000 ans…, dans 1000 ans,…  Cette piste de bitume, de goudron, complètement fissurée, lézardée, envahie par les herbes, quelque chose comme le vestige d’une civilisation ancienne.  Délabrée, inutile, le Parthénon, … les pyramides… l’autoroute, les usines, tout était pareil… »

Michel Couturier, 2020

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